CHRONIQUE D’INJUSTICE JOUR 33 : ILLÉGITIME DES CHAMBRES, ILLÉGALITÉ DE LA PROCÉDURE, INEQUITE DU PROCÈS, ACTE 9

Les dérives de la procédure d’audience devant les Chambres sénégalaises mettent en exergue des violations graves de leurs propres statuts, comme des règles fondamentales de la procédure pénale. Les magistrats ont en effet poursuivi ou laissé se poursuivre, notamment sous la pression des parties civiles, sous contrôle ONG, une instruction à l’audience sur de nombreux faits qui ne relevaient pas de leur compétence puisqu’elles n’en étaient pas saisies par l’ordonnance de renvoi ; il s’agit ici par exemple de faits d’abus sexuels, de confiscation de biens, de faits relevant d’infractions militaires à caractère purement disciplinaire, d’une prétendue privation du droit d’être jugé, ou encore, d’autres faits visant directement le Président Habré qui n’avaient pas été révélés lors de l’instruction ou pris en compte par l’ordonnance de renvoi.

Cette même ordonnance est frappée du sceau d’une confusion totale entre les faits évoqués relevant d’une infraction spécifique de crimes contre l’humanité et souvent répétés à l’infini pour démontrer la commission d’une autre infraction spécifique (homicides, exécutions sommaires, disparitions, atteintes à la vie), voire de celle de crimes de guerre…..Cette évolution exponentielle, en pleine procédure d’audience, du champ des poursuites est une des caractéristiques de cette juridiction depuis leur création.

  • Issues d’un mandat conféré par l’Union Africaine qui ne visait que la Convention des Nations Unies contre la torture du 10 décembre 1984 et son entrée en vigueur au Sénégal le 26 juin 1987, le Gouvernement du Sénégal ne pouvait étendre la compétence des Chambres au-delà de ces faits de torture….et pour la période postérieure à son entrée en vigueur ;
  • Poursuivi par la Belgique devant la Cour Internationale de Justice pour ne pas avoir mis en œuvre de poursuites à l’encontre du Président Habré, le Sénégal a engagé de nouvelles poursuites à la suite de sa condamnation par cette Haute Juridiction le 20 juillet 2012 ; cette juridiction a considéré (page 50) ne devoir exercer sa compétence qu’en matière de poursuites du chef de tortures ;
  • Par ailleurs, la Cour Internationale de Justice a considéré que « l’obligation de poursuivre les auteurs présumés d’actes de torture, en vertu de la convention, ne s’applique qu’aux faits survenus après son entrée en vigueur pour l’Etat concerné » ;
  • La Convention des Nations Unies contre la torture ne prévoit pas davantage la possibilité de violer le principe fondamental de non rétroactivité du droit pénal ;
  • Poursuivi devant les juridictions sénégalaises dans un premier temps, puis en vue de son extradition devant les juridictions belges, pour des faits de torture, le Parquet Général du Sénégal avait pris position en soulignant la prescription de ces faits…cette prescription acquise avant la création des CAE ne saurait être remise en cause.

En application de ces règles, les poursuites intentées à l’encontre du Président Habré sont parfaitement nulles.

Créées par voir d’accord entre l’Union Africaine et le Sénégal, la mise en œuvre de procédures devant les Chambres Sénégalaises nécessitait l’adoption d’un dispositif législatif et son approbation par le Président du Sénégal ; ces procédures souffrent d’un vice fondamental qui affecte la conduite de la procédure depuis le 7 septembre : l’approbation du Président Macky Sall devait faire l’objet d’un décret publié en bonne et due forme ; il n’en a rien été. Là encore, la procédure d’audience est donc nulle.

L’ordonnance de renvoi du Président Habré devant les CAE révèle également de graves faiblesses du dispositif législatif et procédural autorisant les poursuites à l’encontre du Président Habré…….
En page 4 de leur ordonnance, les magistrats des CAE ont rappelé le principe de légalité au terme duquel un acte ne peut être poursuivi que s’il entre dans l’une des catégories visées à l’article 4 du Statut des CAE (crimes contre l’humanité, etc….) et si, au moment de sa commission, « la disposition juridique qui l’incrimine était en vigueur au Tchad » ; tel n’est pas le cas, indiquent implicitement les CAE ; dès lors ces crimes prétendus ne sauraient être poursuivis ; par ailleurs, aucune autre norme coutumière ne saurait, de façon subsidiaire, fonder des poursuites, dès lors qu’elle n’a pas été transposée en droit positif, conformément à une Jurisprudence constante confirmée par la Cour suprême du Sénégal dans l’affaire Hissein Habré en 2001.

Ces petits trafics juridiques doivent être d’autant plus dénoncés et sanctionnés qu’ils viennent violer l’autorité de la chose jugée au Sénégal en 2001 dans le cadre de procédures intentées au Sénégal à l’encontre du Président Hissein Habré qui doit bénéficier, comme tout justiciable, de la sécurité juridique résultant des décisions rendues précédemment et de l’application des règles de droit.

Me François SERRES