ASSASSINAT : L’impératif pour la communauté internationale d’exiger des comptes à Déby pour les disparitions d’Ibni Omar Saleh et Charles Massi

Personne n’a oublié qu’en plus des milliers de morts que le président sultan du Tchad a sur la conscience, et qui lui seront immanquablement opposés devant le tribunal céleste, il y a deux assassinats particulièrement épouvantables pour lesquels la communauté internationale a le devoir de l’interpeller toutes affaires cessantes : ceux de l’opposant Tchadien Ibni Oumar Saleh, et du centrafricain Charles Massi : Deux personnalités politiques de premier plan qui ont subi le même sort : tués et enterrés sous les ordres du tyran.
Le 02 février 2008, les troupes de la résistance armée tchadienne, coalisées au sein d’un commandement unique fondent sur la capitale et acculent Idriss DEBY dans le dernier retranchement qu’est son palais présidentiel. L’armée du tyran est en déroute, et les rebelles, face au portail du palais présidentiel, sonnent la charge. La victoire n’aura jamais autant été à la portée des insurgés. Les thuriféraires et autres apparatchiks du régime fuient en débandade - qui à pied, qui en pirogue – en direction de Kousseri (Cameroun). N’Djamena est traversé par un vent de liesse folle.
Pendant que les canons tonnent devant le palais, dans les quartiers, les populations ne se retiennent pas. Elles sont dans la rue, riant, sautant de joie comme des cabris, exultant et attendant de voir DEBY et les satrapes de son régime honni s’enfuir ou mourir au combat. Malheureusement c’est le moment que choisit Nicolas Sarkozy pour entrer dans la danse en expédiant à la quatrième vitesse au Tchad – par vol spécial - une escouade du terrible COS. Le fameux commando des opérations spéciales champion toutes catégories des opérations de commando nocturnes. Sous les ordres de l’Elysée, ces super commandos ont attendu la nuit noire pour écraser les insurgés avec des armes de destruction massive imparables dans l’obscurité.
Il est néanmoins important de préciser qu’en plus de l’intervention intempestive des gaulois, cause de leur défaite, les rebelles avaient passé une bonne partie de leur temps – alors que la victoire était là – à se chamailler et à se crêper le chignon à propos de problèmes de partage du pouvoir alors qu’ils ne l’avaient même pas encore complètement conquis !
Pendant ce temps, et en l’espace de quelques heures de combat dans un noir d’encre, les assaillants avaient été mis en pièces et proprement massacrés. Dès le lendemain à l’aube, bonjour les représailles.
Dès les premières heures, les soudards de DEBY déferlent dans les quartiers et tombent à bras raccourcis sur les populations, et plus spécialement sur les hommes politiques. Ceux-ci sont rudoyés, tabassés, pour certains abattus sommairement d’une balle dans la tête, et bon nombre sont emmenés menottés vers des destinations inconnues. L’opposant historique Yorongar Ngarlejy subira le sort d’être sauvagement rossé, menotté, et jeté dans un trou de basse fosse ; mais il réussira à s’enfuir et à se retrouver au Cameroun, puis en France d’où il ne reviendra que plusieurs mois plus tard.
Moins chanceux, Ibni OUMAR Saleh est molesté à son domicile devant toute sa famille par des éléments en furie de la garde présidentielle qui le rouent de coups de crosses et de pieds, le jettent dans un command car et l’emmènent vers une destination qui, jusqu’à ce jour, est demeurée inconnue.
Jusqu’à ce jour en effet, personne n’a plus jamais revu cet homme politique charismatique, mais assez modéré. En tout cas il faudrait être naïf pour oser croire que l’opposant politique serait encore vivant.
Il a certainement été tué puis enterré quelque part. Mais qui l’a tué, pourquoi, comment, et où est son corps ?
Malgré toutes les démarches entreprises par sa famille, le black out demeure total. Comme si IBNI OUMAR Saleh s’était désintégré d’un claquement de doigts. Plusieurs associations de Droits de l’homme ont multiplié les démarches jusqu’au plus haut niveau de l’Etat Tchadien pour en savoir plus sur le sort de l’homme politique. Rien n’y a fait. Pire : DEBY est resté de marbre.
Il aura fallu attendre le mercredi 03 février 2010, pour voir deux parlementaires socialistes français : le député Gaëtan Gorce et le sénateur Jean Pierre, ainsi que le député - UMP Françoise Hostalier (présidente du groupe d’amitié France-Tchad) , appuyés par des dizaines de militants des sections françaises de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) et d’Amnesty International donner, dans l’enceinte même de l’Assemblée nationale française, une conférence de presse d’un genre inédit.
Dans cette auguste Chambre, ils ont hurlé leur désarroi face au silence méprisant que continuaient d’afficher jusque là les autorités tchadiennes depuis que l’opinion internationale et tous les démocrates du monde entier exigeaient la vérité sur la disparition de l’opposant tchadien Ibni Oumar Mahamat Saleh.
Ibni Oumar Saleh qui - selon la version officielle – avait été arrêté le 03 février 2008, mais avait sans l’ombre d’un seul doute été torturé et tué dans l’une des prisons qu’abrite le palais présidentiel tchadien. A moins qu’il n’ait été sommairement abattu quelque part et enterré sans états d’âmes sous les ordres venus de très haut.
Il faut dire qu’à cette conférence de presse, en présence du fils du disparu, les parlementaires français n’avaient pas fait dans la langue de bois pour pester contre le régime Deby, et tout autant contre les autorités françaises qui avaient ordonné et dirigé sur le terrain la contre offensive à N’Djamena.
La preuve la plus accablante étant que, le jour même de la disparition de cet opposant, c’est un officier français qui dirigeait la garde présidentielle tchadienne après que Paris eût apporté un soutien militaire total au dictateur tchadien pour repousser les rebelles à deux doigts de la défaite du tyran.
En fait, et cela s’est su par la suite, après avoir vaincu les opposants militaires avec l’aide de la France, le régime Deby avait décidé de se venger sur les opposants civils en faisant arrêter et torturer - par des militaires de l’ethnie du chef de l’Etat - leurs figures de proue dont Ibni Oumar, contre qui aura été appliquée la solution finale.
Sous la pression des ONG de défense des droits de l’homme, de la France et de l’opposition tchadienne, une commission d’enquête aura – presque de mauvaise grâce – été mise sur pied par la suite par les autorités tchadiennes. Celle-ci avait conclu du bout des lèvres qu’Ibni Oumar avait été enlevé à son domicile par des soldats de DEBY, mais que cela avait certainement été une initiative personnelle d’un quelconque militaire subalterne.
Il est vrai que ledit rapport a mentionné, presque sur un ton sibyllin, que ces militaires de la garde prétorienne de DEBY avaient agi sur « ordre de sa hiérarchie ou des instances supérieures de l’État ».
A part cela, aucune accusation formelle contre un individu identifié n’a soutenu les conclusions du rapport de cette commission.
Le plus désolant ayant été que ce rapport n’a jamais provoqué le déclenchement d’une quelconque action judiciaire, fut-ce contre inconnu.
Et depuis, c’est le silence radio. Ou presque !
Mais comble du cynisme, Nicolas Sarkozy qui s’était pourtant personnellement engagé le 27 février 2008 à N’Djamena à ce que toute la lumière soit faite sur le sujet - en déclarant avec des trémolos dans la voix que : « La France veut la vérité et je ne cèderai pas sur ce point », n’est jamais allé au-delà de cette déclaration cousue d’une grossière duplicité.
Nous sommes aujourd’hui en Décembre 2011, à presque quatre ans de la disparition d’IBNI Oumar Saleh, et rien n’est toujours dit à propos de son destin tragique. Rien non plus n’est fait pour punir le responsable de sa mort.
C’est ainsi qu’il est absolument insupportable que DEBY continue à imposer une véritable loi du silence à la famille d’IBNI OUMR, au Tchad, à l’Afrique, et au monde. Un silence de mort à propos de la suppression de la vie d’un homme unanimement reconnu comme un opposant modéré au régime de Deby.
Il est insupportable que Paris - qui sait que IBNI OUMAR a été éliminé par le régime sauvage de DEBY, - continue de se boucher les yeux et les oreilles, donnant au bout du compte l’impression de ne plus vouloir cette vérité qu’elle a donné l’impression de réclamer au lendemain de cette exécution inqualifiable.
En ce moment où la communauté internationale est si pointilleuse vis-à-vis des crimes contre l’humanité, elle aurait intérêt pour sa propre crédibilité d’interpeller vigoureusement Idriss Deby qui sait bien qu’il aura du mal à échapper à une comparution un jour devant un tribunal pour les atrocités qu’il a infligées à ses compatriotes, ainsi que pour les milliers d’assassinats qu’il a perpétrés au Tchad en moins d’une vingtaine d’années de règne barbare.
Cette même communauté internationale qui nous a donné ces derniers temps tant de gages de sa détermination à sévir avec une détermination inflexible contre les crimes perpétrés par les régimes et les potentats, ne devrait pas non plus oublier de demander des comptes au même Idriss DEBY à propos du colonel médecin et homme politique centrafricain Charles Massi que le Sultan président avait incarcéré à N’Djamena pendant plusieurs mois en 2009, puis cruellement livré au président centrafricain François BOZIZE – comme un cadeau de Noël quelques mois plus tard.
Depuis lors, cet ancien ministre a disparu. François Bozizé – à qui l’on a demandé où il se trouverait a déclaré avec un regard froid comme celui d’un serpent : « allez le chercher là où il est censé être : avec les rebelles. »
DEBY, quant à lui, avec sa mauvaise foi habituelle a dit, une main sur le cœur et l’autre sur la Coran qu’il ne sait rien de ce qui serait arrivé à cet homme politique qui a – comme par magie - disparu entre les frontières du Tchad et de la Centrafrique.
Mais en fait, l‘affaire de Charles MASSI, C’est l’histoire d’un opposant politique de premier plan qui a été arrêté en plein jour par des soldats tchadiens, à la lisière des frontières du Tchad et de la Centrafrique, qui a été remis – indubitablement sur hautes instructions du chef de l’Etat tchadien – aux soldats centrafricains, et qui, depuis lors a disparu. Personne ne l’a plus jamais revu.
En effet, selon des informations incontestables, le colonel Massi a été enlevé le 19 décembre 2009 à la lisière de la frontière de la Centrafrique, dans la zone de Ngaoundaye (plus de 500 km au nord-ouest de Bangui), proche de la frontière avec le Tchad, par des éléments de l’armée tchadienne qui avaient pris l’opposant centrafricain en chasse sur ordre de Deby.
Il est important de rappeler qu’en mai 2009 déjà, il avait été arrêté dans le sud tchadien, emprisonné au Tchad pour "tentative de déstabilisation d’un pays voisin" avant d’être libéré deux mois plus tard le 8 juillet à la suite de fortes pressions des organisations de défense des droits de l’homme.
Cinq mois plus tard, il a été pris en chasse par des soudards tchadiens qui l’ont traqué puis capturé pour le livrer au dictateur centrafricain.
Voila donc la communauté internationale et la justice internationale qui gagneraient à se rappeler que Mr Idriss DEBY ITNO a des comptes à rendre.
Il est passible de multiples chefs d’accusations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et autres crimes économiques.
Il ne faudrait pas attendre qu’il tombe pour que la justice internationale commence à lui poser des questions. Les sangs d’Ibni Oumar Saleh et de Charles Massi n’en finissent pas de hurler. Et il est certain qu’un jour ou l’autre, le Président sultan rendra compte. Inch’ALLAH !

Par A.K | Ndjamena-matin