Affaire Habré : Le Tribunal spécial ne réunit pas les conditions d’un procès équitable (Avocats)

Les Chambres africaines extraordinaires chargées de juger l’ancien président tchadien Hissène Habré ne lui garantissent pas les conditions d’un procès équitable, ont déclaré mercredi ses avocats au cours d’un point de presse organisé à Dakar.
’’Nous n’allons pas participer à une mascarade judicaire. Ce qui s’est passé ces derniers jours est la démonstration qu’il ne peut pas y avoir de procédures équitables permettant de juger Hissène Habré sur le sol sénégalais’’, a notamment dit Me François Serres, l’un des avocats de M. Habré, qui vit en exil au Sénégal depuis la chute de son régime en 1990.

‘’Tous les actes posés ne nous rassurent pas par rapport à la tenue d’un procès équitable sur le sol sénégalais’’, a ajouté le juriste français, membre de la défense de l’ancien président tchadien, inculpé et placé sous mandat de dépôt, mardi.

Selon lui, ‘’le procès qui est en train d’être mis en branle est un procès inéquitable, c’est un projet politique. Le procureur est partial et les juges d’instruction ont manqué d’indépendance en inculpant Hissène Habré’’.

Au cours de cette rencontre avec les journalistes, les conseils de M. Habré ont relevé ce qu’ils appellent ‘’une série de violation des procédures’’ dans ce dossier. Selon eux, les chambres africaines n’ont pas les prérogatives nécessaires pour juger leur client.

‘’Le procureur général Mbacké Fall s’est, à deux reprises, rendu en Belgique et au Tchad pour faire des enquêtes, alors que les statuts des chambres africaines extraordinaires ne prévoient pas d’enquêtes faites par le Procureur général (…). Ce qui fait qu’il n’y a pas de justice équitable’’, a estimé Me Serres.

Il a en outre dénoncé des violations liées au refus à la défense d’intervenir dans le dossier. ‘’Nous sommes dans le domaine d’une juridiction internationale qui stipule qu’une notification des charges suppose l’accès au dossier, la communication du dossier, l’intervention de l’accusé et la préparation de la défense. On nous a refusé tout cela au nom du Code de procédure pénale sénégalais’’, a fustigé l’avocat français.

Ses confrères sénégalais ont abondé dans le même sens, dénonçant eux aussi une violation des procédures et une politisation du dossier. ‘’Il n’y a pas de doute : Hissène Habré fait l’objet d’une arrestation et d’un emprisonnement. Tout est politique dans ce dossier, le chapitre judiciaire du dossier Habré est clos en 2000’’, a réagi Me El Hadji Diouf qui a fait un discours aux allures d’un rappel historique.

‘’Le document qui a servi de base aux poursuites contre notre client et qui a conduit à son inculpation (…) a été déjà traité par les juridictions sénégalaises, notamment par le doyen des juges d’alors Demba Kandji, en 2000. Une décision de justice avait été donnée. A quoi servent les décisions de justice ?’’, s’est interrogé le juriste.

Revenant sur les procédures d’enquête, François Serres n’est pas loin de penser que le dossier a été bâclé. ‘’Les magistrats des chambres africaines sont d’une intelligence folle. Comment ils ont réussi à lire 27 tomes d’un dossier en l’espace d’une heure et demi ? Non seulement les juges n’ont pas lu le dossier du procureur avant d’inculper Habré, mais ils ont refusé à ses avocats d’intervenir, la condamnation était faite d’avance’’, a-t-il commenté
APS