AFFAIRE HABRE : Communiqué de la Défense du 24 NOVEMBRE 2011

Le 18 Novembre dernier, la Haute Cour de justice de la CEDEAO a rendu son verdict définitif dans l’affaire opposant le Président Hissein Habré à L’Etat du Sénégal.
Le présent communiqué a pour objet de rétablir la teneur et la portée du jugement rendu par la juridiction sous-régionale, en écartant la propagande éhontée et partiale entendue depuis le prononcé de l’Arrêt sur les ondes de RFI et ce, dans l’intérêt exclusif des citoyens de ce monde épris de justice et du respect des droits de l’homme.
Devant cette Cour, le Sénégal n’avait cessé de plaider l’équité qui conduisait sa démarche depuis l’étrange mandat obtenu de l’Union Africaine pour juger le Président Hissein Habré. Contre l’évidence, il avait indiqué avoir simplement modifié sa législation pour se mettre en conformité avec ses obligations internationales, et non dans le but de juger M. Hissein Habré ; il avait affirmé que les décisions rendues par ses juridictions en 2001 et 2005 n’avaient aucune valeur de chose jugée ; il avait enfin soutenu qu’il était parfaitement possible et légitime de violer le principe de non rétroactivité de la loi pénale qui ne connaissait pas d’application en droit international.
L’ensemble de ces arguments ont été balayés par la Cour, dans des attendus qui traduisent un rejet d’une extrême fermeté des démarches entreprises par les Autorités sénégalaises sur le fondement du mandat de l’Union Africaine.
Que dit la Cour ?
1. Elle constate l’existence d’indices concordants de nature à porter atteinte aux droits de l’homme de M. Hissein Habré sur la base des réformes constitutionnelle et législatives opérées
La Cour a ainsi condamné sans détours une entreprise qui a eu pour effet de modifier la Constitution d’un pays, non pour se mettre en conformité avec ses obligations internationales, mais pour juger un homme et un seul pour l’ensemble des évènements survenus au Tchad de 1982 à 1990.
2. Elle dit que l’Etat du Sénégal doit se conformer au respect des décisions rendues par ses juridictions nationales, notamment au respect de l’autorité de la chose jugée
La Cour rétablit ainsi l’autorité bafouée des plus hautes juridictions sénégalaises dont les décisions rendues en 2001 et 2005 avaient conduit le gouvernement sénégalais censé respecter la séparation des pouvoirs et conséquemment l’indépendance de la magistrature, l’autorité des décisions de justice et la sécurité des justiciables, à porter cette affaire devant une instance politique, sous l’influence de Kadhafi, d’Idriss Déby et de certaines puissances occidentales, afin d’obtenir le prétexte de remettre en cause lesdites décisions. Le verdict de la Cour n’est pas une victoire pour Hissein Habré parce qu’il consacre un obstacle absolu à toutes poursuites à son encontre ; il est surtout un étendard pour l’ensemble des citoyens de l’espace CEDEAO et de ses juges, de Dakar à Bouaké, de Bobo à Kano. La politique a été chassée du prétoire.
Mais la Cour va plus loin, et dans un attendu retentissant,
3. Elle ORDONNE au Sénégal de respecter le principe absolu de non rétroactivité de la loi pénale
La Cour rappelle ici un principe fondamental qui ne connaît pas d’exception, un principe affirmé par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Déclaration universelle que les gouvernants sénégalais avaient royalement piétiné. Dès lors, c’est l’ensemble des mécanismes et dispositions constitutionnelle, législatives et institutionnelles prises en application du mandat politique de l’Union Africaine et qui violaient ce principe, qui se trouvent ainsi sanctionnés.
Que faut-il en conclure ? Que la procédure engagée contre M. Hissein Habré par l’Etat du Sénégal doit être définitivement clôturée. Le droit le commande. La justice l’impose.
Le Président Habré qui a été accueilli et adopté depuis plus de 20 ans par le Sénégal, est rétabli dans ses droits, dans son honneur de patriote tchadien, héros de la guerre tchado-libyenne. Cet arrêt vient s’ajouter à celui rendu, sur son initiative, par la Cour Internationale de Justice et qui avait, lui, rétabli la souveraineté du Tchad sur l’ensemble de son territoire. C’est aussi l’Etat de droit qui se trouve dans cette affaire rétabli au Sénégal. La Charte africaine des droits de l’homme, le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance sont ici consacrés ; l’autorité des juges réaffirmée, garantie d’une justice équitable pour tous les citoyens, sort renforcée de cette épreuve. La Cour sanctionne tous ceux qui ont voulu, à travers la violation de ces principes, organiser les mécanismes qui n’avaient d’autre objet que de conduire à la condamnation de M. Hissein Habré ; dans cette affaire, le Tchad de Deby est le pays qui a monté le dossier d’accusation, mais aussi appelé à encadrer les juges enquêteurs, qui s’est payé le luxe de voter le pseudo mandat de l’UA, tout en ayant annoncé sa contribution financière. Les autorités de l’UA sous la coupe de Kadhafi entretiennent d’étranges relations avec un conglomérat d’ONG qui semblent, quant à elles, bien loin de leurs statuts et qui ont, tout au long de cette procédure, mélangé les rôles et leurs intérêts, et manipulé des plaignants que le Sénégal trouvait déjà peu crédibles en 2000. On aura constaté le silence total, l’absence de dénonciations, de campagne médiatique contre l’UA de la part de ces ONG quant à la défense réaffirmée à plusieurs reprises par cette Institution sur le cas du Président El Béchir du Soudan. Cet arrêt est aussi un message encore plus fort pour l’Etat du Sénégal qui, au-delà de ses réformes législatives et constitutionnelles, avait mis en place un Comité de fonctionnaires aux conseils douteux, pour déterminer l’étendue des poursuites, désigné des juges triés d’avance en dehors de toute poursuite, supprimé les jurés populaires pour garantir une condamnation certaine, proposé des financements extravagants au point que l’agenda financier du procès avait largement pris le pas sur son équité, enfin, laissé les ONG manipuler les « pièces » et les « témoins » du procès. C’est bien cet édifice d’injustice et d’intrigues qui a été anéanti par la décision de la Cour !! Mais la Cour va encore plus loin, car, dans une démarche très pédagogique, elle s’interroge sur les questions de justice internationale qui interpellent la conscience africaine. Déjà la Cour, dans sa précédente décision de novembre 2009, avait affirmé que l’Union Africaine n’avait pas pour mission d’administrer la justice, remettant clairement en cause la démarche politique des autorités sénégalaises et partant s’interrogeant sur la validité du « mandat » conféré. Aujourd’hui, la Cour relève que la mise en œuvre du « mandat » confié par l’Union Africaine au Sénégal s’est accompagné de graves violations des droits de l’homme dès lors que les juridictions sénégalaises s’étaient définitivement prononcées. Et, certains esprits chagrins affirment que l’Etat qui s’est décrédibilisé 4 années durant, dans la mise en œuvre de ce mandat aurait reçu un nouveau mandat, de la Cour cette fois, celui de créer une juridiction ad hoc internationale pour juger le Président Hissein Habré !! Exit le mandat de l’Union Africaine, voilà maintenant le mandat, tout à fait imaginaire, de la Cour de la CEDEAO ! La Cour communautaire n’a jamais confié - elle n’en a pas le pouvoir - une mission au Sénégal pour constituer une juridiction spécialisée. Cette idée est d’ailleurs contraire à tout ce que la Cour a énoncé, c’est-à-dire l’autorité de la chose jugée, qui a pour conséquence l’interdiction de poursuites, la condamnation pour violations du fait des réformes législatives et constitutionnelles. En outre, l’Etat qui a été une partie au procès devant la Cour de la CEDEAO et qui a été condamné par la Cour pour violations des droits de l’homme est disqualifié et ne peut plus faire œuvre de justice.
Cécité et mauvaise foi font occulter les Arrêts avant dire droit rendus par la Cour de justice de la CEDAO, lesquels n’ont pas seulement mis un frein aux activités fébriles et indécentes de certaines ONG, mais encore, ont définitivement anéanti le « mandat-prétexte » de l’Union africaine. L’Etat du Sénégal doit s’éviter une nouvelle humiliation en s’écartant de conseils mal éclairés et le plus souvent intéressés. Il n’a pas été question pour la Haute Juridiction, en affirmant la nécessité d’une justice au niveau du continent africain, de sacrifier aux principes fondamentaux d’équité qui doivent la gouverner. C’est bien la partialité du mandat confié par l’Union Africaine sous la pression de ceux là même qui ont été les ennemis d’hier et qui ont violé jusqu’à aujourd’hui tous les principes de justice internationale et de bonne gouvernance, qui est sanctionnée par la Cour. Lors de la réunion de la mission conjointe UA-UE tenue à Dakar du 29 Juin au 1er Juillet 2010, la question suivante, « si le Sénégal est condamné par la Cour de la CEDEAO, qu’arriverait-t-il ? » a été posée par un journaliste au Représentant de l’UA chargé de suivre l’affaire HH, M. Robert Dossou, par ailleurs Président de la Cour constitutionnelle béninoise, qui a répondu : « Si le Sénégal est condamné par la Cour de justice de la CEDEAO, nous trouverons un remède à cette décision ». L’agenda de la réunion des bailleurs de fonds qui devaient se réunir à Dakar le 24 novembre prochain est aujourd’hui sans objet, sauf à perpétuer les violations des droits de l’homme sanctionnées par la Cour, provoquer la nouvelle saisine de cette Cour, et confirmer surtout le mépris et l’arrogance de ces financiers vis-à-vis de l’Afrique et de ses Institutions. De fait, la tenue de cette réunion constitue surtout un encouragement à suivre la voie de l’arbitraire, de l’affaiblissement de l’Etat de Droit, et un coup dur à l’indépendance des magistrats africains. Aussi, chercherait-on, vaille que vaille, « un remède » à cette décision de la Cour de Justice de la CEDEAO - autrement dit s’ingénier à bafouer son indépendance et son autorité - qu’on créerait un précédent très grave. La justice est rendue, le droit est dit, il importe à chacun et à tous d’en prendre acte. Maître François SERRES
Maître Clédor Ciré LY